mardi 28 février 2012

Petite Fille

Les cheveux teints en gris par la poussière des quais
Et sous tes ongles en deuil, tes genoux couronnés.
A même le sol tu joues, c'est très sérieux, très grave
Ton regard, lui, dit vrai, et déshabille les braves.
Tes paupières sont tes ailes, va, vole, petite fille !

Serrant contre ton cœur la poupée mutilée
Le regard un peu vague de qui regarde en soi
Tu t'accroches au vieux jouet comme on largue une bouée
Contre les jambes cassées, comme un berceau, tes doigts.
Tu porteras la vie, va, aime, petite fille !

Avant que tous les loups ne s'accrochent à tes pas,
Avant que de leurs crocs ils ne déchirent ta voix,
Avant qu'ils ne te volent tes yeux de petite fille,
Avant qu'ils ne piétinent, utilisent et gaspillent,
Danse, danse encore un peu, va, danse petite fille !

Lorsque tu te tiendras debout bien que brisée,
Lorsque tes enfants lourds s'accrocheront à tes pas,
Lorsque tu seras seule, si seule, si fatiguée,
Lorsque les yeux éteints pour eux tu avanceras
Danse, danse encore un peu, va, danse petite fille !

Cherche-la donc en toi, en ces jours longs et pâles
Cherche-la donc en toi, l'enfant vivante et sale
Va, vole, va, aime, et danse, danse, petite fille !




















Photo de David Seymour, 1948